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PORTRAIT DE " JOCONDE, REINE D'ÉGYPTE ", DE LA MAIN DE LÉONARD DE VINCI ?

Copie de la Joconde

(Vente Artcurial du 09/11/2021)

 

Huile sur panneau de chêne
74 x 52 cm

Succession du cardinal Antoine de Granvelle par Simon-Pierre Dinard [1]

 

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Désigné comme héritier, François Thomas s’est réservé toutefois d’accepter la succession sous bénéfice d’inventaire. La démarche prudente de François Thomas a donc donné lieu à la rédaction d’un inventaire des meubles contenus dans le palais Granvelle à la mort de François Perrenot. Mené par le chanoine Claude Boitouset, official de Besançon, l’inventaire débute à Besançon le 3 novembre 1607. La description des meubles s’achève en février 1609. Le document ici étudié et conservé à la Bibliothèque d’étude et de conservation de Besançon sous la cote ms 1627, est une copie collationnée à Besançon le 12 novembre 1664 sur une copie elle-même collationnée à Bruxelles le 1er juillet 1664 d’après original. La copie de Bruxelles doit être celle conservée aux Archives générales du royaume sous la cote manuscrits divers n° 1039/c. Malgré les travaux d’Auguste Castan ou de Jules Gauthier, réalisés à partir d’un document moins complet, puisqu’il manque la bibliothèque et le « trésor » (les archives), mais qui semble contemporain de la rédaction de l’inventaire original et présentait l’avantage pour ces deux auteurs de donner des attributions aux peintures, l’édition complète et l’étude de l’ensemble de la collection n’ont pas été faites. Le n° 50 de la collection Granvelle de la Bibliothèque de Besançon est cependant une étape importante dans la rédaction de l’inventaire, un document préparatoire, délaissant les formules juridiques pour se consacrer essentiellement au mobilier et aux œuvres.

 

Monographie du Palais Granvelle à Besançon par Auguste Castan [2][3]

 

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« Portrait de Joconde, reine d’Égypte, fait sur bois de chêne, de la main de Leonard de Vinci », tel est bien le titre exact donné en 1607 au portrait mentionné en page 66, lignes 3 et 4, dans l’inventaire des meubles du palais Granvelle : 

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Comme stipulé en préambule, cet inventaire fut réalisé en 1607, immédiatement après la mort de François Perrenot, le dernier descendant par les mâles de la famille du chancelier Nicolas de Granvelle. Nicolas Perrenot (1486-1550), seigneur de Granvelle fut premier conseiller d’État et garde des sceaux des royaumes de Naples et de Sicile au service de l’empereur Charles Quint. Protecteur éclairé des savants et des artistes de son temps. Mécène et collectionneur avisé. Il fut également le bâtisseur du palais Granvelle à Besançon. Charles Quint l’envoya comme négociateur auprès de François 1er – entre 1526 et 1528 – notamment pour surveiller l’exécution du traité de Madrid. 

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Cette note de bas de page date relative au « portrait de Joconde, reine d’Egypte » est l’œuvre d’Auguste Castan, auteur de cette monographie et a donc été rédigée en 1867. Or, le « portrait de Joconde, reine d’Égypte » ne faisait plus partie de la collection de la maison Granvelle depuis sa dispersion à la fin du 17ème siècle. Alors, ce tableau de la main de Leonardo da Vinci pouvait-il être en fait non pas la copie mais l’original de ce chef-d’œuvre qui est depuis 1798 seulement au Louvre ? Nicolas Perrenot aurait-il pu l’obtenir de François 1er lui-même, en gage de complaisance dans sa mission de surveillance de l’exécution du traité de Madrid ? « Joconde, reine d’Égypte » : ce tableau « de la main de Leonardo da Vinci » pouvait-il être en fait non pas la copie mais bien l’original du chef-d'œuvre qui est depuis 1798, seulement, au Louvre ? Son support en bois de chêne permet d’en douter. Une erreur d’appréciation de la nature du support pouvant être a priori écartée compte-tenu de la rigueur obstinée avec laquelle l’auteur de cet inventaire a su décrire chacune des pièces de cette collection, tant par la nature de leurs différents supports (toile, plaque de cuivre, bois) que par celle de leurs encadrements respectifs (noyer, sapin, etc.), ainsi que par leur état et leurs dimensions précises. Gageons donc que ce support en bois de chêne était suffisamment remarquable à cette époque pour être dûment rapporté. Ce qui pour finir ne nous laisse comme hypothèses pour ce tableau que celle d’une version de la main de Leonardo da Vinci copiée sur la Joconde qui est actuellement au Louvre, ou bien encore celle d’un original peint sur bois de chêne dont la Joconde du Louvre ne serait plus alors qu’une « cheap copy » peinte sur bois de peuplier...

Alors, la copie de la Joconde vendue aux enchères par Artucurial pourrait-elle être ce « portrait de la main de Leonardo da Vinci » mentionné comme tel dans l’inventaire de 1607 du palais Granvelle à Besançon ?

Rien ne le prouve, mais tout pourrait porter à le croire :

    • Son support en bois de chêne identique à celui décrit dans l’inventaire de 1607 du palais Granvelle à Besançon. Caractéristique d’autant plus remarquable qu’a priori aucune des nombreuses copies de la Joconde répertoriées au travers le monde ne semble avoir été réalisée sur un support de cette nature,
    • Ses dimensions cadre inclus compatibles avec celles de la moulure noircie décrite dans l’inventaire de 1607 du palais Granvelle à Besançon.

Rien ne le prouve donc, mais gageons que les investigations à venir dans les archives notariales et autres permettront d’établir la traçabilité de cette hypothèse, et que l’ensemble des techniques d’expertise scientifique dont nous disposons aujourd’hui permettront de conforter - ou d’écarter - très rapidement « la main de Leonardo da Vinci », telle que décrite dans l’inventaire de 1607 du palais Granvelle à Besançon.

 

Lien vers la note " JOCONDE, REINE D'ÉGYPTE "

Lien vers la note " JEU DE TABLEAUX II "

Lien vers la note " JEU DE TABLEAUX III "

 

[1] Les Cardinaux de la renaissance et la modernité artistique, sous la direction de Frédérique Lemerle, Yves Pauwels et Gennaro Toscano, p. 157-168, IRHIS, 2009

[2] Mémoires de la Société d’émulation du Doubs., 4e série, 2e vol., 1866

[3] La Monographie du palais Granvelle à Besançon, par M. Auguste Castan, conservateur de la Bibliothèque et des archives de la ville de Besançon, sobrement et clairement écrite, avec des détails intéressants sur la famille et la biographie des deux personnages qui jouèrent un rôle si important au XVIe siècle. Les pièces justificatives contiennent une lettre d'Eléonore d'Autriche, reine douairière de France, au chancelier de Granvelle, sur la mort de François Ier, et un document particulièrement curieux : l'inventaire des meubles de la maison de Granvelle. Nous y voyons que le palais de Besançon contenait plus de deux cent cinquante tableaux, dont plusieurs de premier ordre, Vinci, Titien, Dürer, Holbein, Corrège, et surtout une grande quantité de flamands, et particulièrement beaucoup de paysages de la première moitié du XVe siècle (Compte-rendu de la Monographie du palais Granvelle à Besançon par Auguste Castan, Bibliothèque de l'École des chartes, tome 31, p. 116-117, 1870).

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